samedi 29 septembre 2007

Monk's dream


J'ai toujours un faible pour ce disque de monk (datant de 1962) car c'est le premier disque de jazz que j'ai acheté, ou tout au moins le premier qui m'ait marqué.
Avant que je connaisse Monk, le piano me laissait indifférent, mais sa façon très particulière de jouer m'a immédiatement enthousiasmé . Au saxo on peut entendre Charlie Rouse, un musicien assez modeste dont la place est clairement l'accompagnement, mais dont on peut dire, sans exagérer, qu'aucun saxophoniste avant lui ne s'est aussi bien accordé avec le jeu de Monk, à part... Coltrane évidemment, mais il existe malheureusement très peu d'enregistrements de Trane avec Monk. Rouse est resté dans le quartette de Monk pendant plus de 10 ans, c'est dire si Monk se sentait bien avec lui !
En écoute : "Monk's dream", un morceau qui est un peu ma madelaine de Proust :

jeudi 27 septembre 2007

Mingus Ah um


A tous ceux qui veulent commencer à écouter du jazz je recommande cet album qui est parfait à tous points de vue, à commencer par les plus immédiats : le titre énigmatique (sans doute un raclement de gorge) et la superbe pochette. Commencer par un chef d'oeuvre peut être décourageant quand on n'a pas les clés pour l'apprécier. Ici pas de problème, c'est de l'avant-garde (en 1959) donc les codes sont bousculés, et en même temps c'est une musique immédiatement accessible. Pour résumer : on est à la fois surpris et charmé.
Tous les morceaux sont des classiques de Mingus sauf un, sous-estimé, que j'ai décidé de mettre en écoute car c'est celui que j'ai tout de suite préféré, moi qui n'y connaissais rien au jazz il y a une vingtaine d'années. Il s'appelle "Boogie stop shuffle" et il a une patate d'enfer. Le thème fait immédiatement penser à la bande son du dessin animé "Spiderman" et vous reste dans la tête et dans les doigts longtemps après l'écoute.

mardi 25 septembre 2007

Ooooooooommm...


Quand Alice Coltrane enregistre avec McCoy Tyner en 1970, que se passe-t-il ? Ils se foutent sur la gueule ? C'est un peu comme si Mc Cartney enregistrait avec Yoko Ono, non ?
Pas du tout, c'est tout le contraire ! Alice admire McCoy, il est même sa principale influence ; quant à McCoy, il n'a pas de raison d'en vouloir à Alice de l'avoir remplacé dans le quartette de Trane, puisqu'il a quitté le quartette de son propre chef. Il faut donc se réjouir de cette rencontre, d'autant plus que la dame à la harpe n'apparaît pas souvent comme accompagnatrice (on la retrouve aussi avec bonheur en duo avec Joe Henderson en 1973 sur "The elements").
Ajoutez au jeu modal, donc oriental de Tyner, la spiritualité d'Alice Coltrane et la touche aérienne et cristalline de la harpe et vous obtenez un disque qui sonne comme un sommet du bhoudisme zen.
Et ce n'est pas tout ! Les autres musiciens sont plus qu'à la hauteur de l'événement puisqu'il s'agit de rien de moins que Wayne Shorter, Gary Bartz (son successeur chez Miles), Ron Carter et Elvin Jones !
L'album s'appelle "Extensions" et il serait aussi vain de le distinguer des autres enregistrements de la même époque de McCoy, que de faire des comparaisons entre les différents sommets de l'Himalaya. Qu'on se le dise : tout est génial dans sa discographie !
Voici un extrait de cet album, aux titres tous composés par Tyner : "His blessings".
Les bénédictions de qui ? De JC bien sûr !

dimanche 23 septembre 2007

Ayler détendu, mais pas trop


Il n'existe pas, dans le free jazz, de musique allant plus directement au coeur que celle d'Albert Ayler. Elle est tout sauf intellectuelle, elle est même d'une simplicité désarmante, à base de fanfares et de spirituals, et ne doit rien au bebop. Pour autant, ce n'est pas une musique facile à écouter, il est possible qu'une écoute prolongée provoque même des saignements d'oreilles ! Le son d'Albert est énorme et son large vibrato tranche avec le style des saxophonistes de l'époque ; il pousse son instrument jusqu'à l'extrème : par moment on croit entendre la bagarre de deux souris surexcitées pour le dernier morceau de fromage sur terre. Ajoutez à cela une ferveur incroyable, confinant parfois à la violence, et un côté si trippant qu'on ne s'étonnerait pas de voir tourner des derviches sur cette musique. Imaginez l'incompréhension à laquelle il a dû faire face ! Ayler est l'artiste maudit par excellence. En plus, il est mort jeune, à 34 ans ; son corps fut retrouvé dans l'East River et la police conclut à une mort par noyade.
Coltrane fut l'un des rares parmi ses pairs à reconnaître son génie. Après l'avoir écouté fasciné, en Suède, il en fit son ami et l'aida notamment à obtenir un contrat de la firme Inpulse. A la mort de Trane en 67, selon les dernières volontés de celui-ci, il joue à son enterrement "The truth is marching in".
Aujourd'hui Albert Ayler occupe une bonne place au panthéon du jazz, son importance est reconnue, mais sa musique semble toujours aussi radicale. Oubliez tout ce que vous avez entendu, court-circuitez vos oreilles et écoutez cet extrait comme Albert le joue : avec ferveur.
Il s'agit de "The truth is marching in", tiré d'un concert au Greenwich Village. Si vous arrivez à l'écouter jusqu'au bout, vous serez pris.

vendredi 21 septembre 2007

Jamais deux sans trois


Freddie Hubbard cumule deux handicaps de taille : il a le prénom de Freddie Mercury et le nom de Ron Hubbard. Ca aurait pu être pire, il aurait pu s'appeler Ron Mercury, et être l'homonyme d'un acteur porno ! Certes, comme entrée en matière, c'est très con... de plus je ne sais même pas s'il existe un Ron Mercury. Revenons à Freddie Hubbard... lui il existe, et pas qu'un peu ! Mais à l'heure où j'écris ces lignes, il approche de ses 70 ans et j'espère qu'il va bien.
Hub est le troisième larron du trio de tête des trompettistes post Clifford Brown, et j'ai déjà parlé de Lee Morgan et Donald Byrd. Des trois, c'est le plus incontournable, il a participé à une floppée de disques essentiels des années 60, il suffira de citer "Free jazz" d'Ornette Coleman, "Blues and the abstract truth" d'Oliver Nelson, "Out to lunch" d'Eric Dolphy, "Ascension" de Coltrane, ou encore "Maiden Voyage" de Herbie Hancock. Par contre, il ne joue pas sur "Tirelipinpon sur le chihuahua" de Carlos, mais on ne peut pas être partout !
En leader, il a enregistré quelques chefs d'oeuvre, à commencer par son premier disque : "Open sesame" à 22 ans, avec ses potes McCoy Tyner (star en devenir) et le mésestimé Tina Brooks dont j'ai déjà parlé. C'est de cet album qu'est tiré "Gypsy blue", en écoute plus bas, un titre composé par Brooks qui mériterait de figurer dans toute anthologie du hard bop.
Je recommande aussi "Breaking point" et "Blue spirits", un hard bop plus aventureux, à la Andrew Hill ; et pour finir, les albums du début des années 70, à commencer par Straight life", tirant vers le funk et la soul, comme les albums de Donald Byrd de la même époque, mais en plus jazz, avec de superbes arrangements et des accompagnateurs intéressants comme Georges Benson, Airto Moreira, ou encore Hubert Laws (à la flûte).
Pour terminer, j'avoue qu'en ces temps difficiles où l'on voit disparaître à la chaîne tous les grands noms du jazz des années 60, bien qu'il n'enregistre plus depuis un bon moment à cause de problèmes de santé, j'aurais beaucoup de peine le jour où j'apprendrais la mort de Freddie Hubbard, alors que l'annonce de celle de Wynton Marsalis ne devrait pas m'empêcher de reprendre des nouilles.

mercredi 19 septembre 2007

Cecil, t'es l'or !


En 1956, quand Cecil Taylor a commencé à jouer en tant que leader, John Coltrane était encore chez Miles Davis et Ornette Coleman était garçon d'ascenseur ! Cecil était alors l'artiste le plus en avance sur son temps. Aujourd'hui, alors que Coltrane est mort depuis 40 ans et que Coleman approche les 78 ans, Cecil, d'un an son aîné, est toujours le plus radical. Le moins que l'on puisse dire c'est que la musique de Cecil Taylor n'est pas pour toutes les oreilles !
A ses débuts, personne ne voulait l'engager : "Je n'ai jamais été autorisé à rentrer dans le business de la musique, parce que je n'étais pas une personne bien élevée, selon les critères des gangsters qui contrôlent ce business. Ce que je faisais n'était pas viable, un joli mot pour dire que ça ne faisait pas un rond, ou qu'ils ne voyaient pas comment ils auraient pu faire de l'argent."
Jusqu'aux années 70, les critiques le traitaient plus bas que terre, et ses "collègues" jazzmen n'étaient pas tendres non plus ; tous les artistes mainstream affirmaient dans les interviews que sa musique était de la merde et, même selon les critères du free, il était considéré comme difficile. Une chose était sûre : sa musique n'était pas du jazz ! " Je ne sais pas ce qu'est le jazz. Et la plupart de ce que les gens considèrent comme du jazz, je ne pense pas que ça en soit du tout. En fait, je ne pense pas que ce terme ait une quelconque signification."
Dans les années 70, enfin, le succès critique arriva, et il obtint même une bourse de la fondation Guggenheim. Quant au succès public... n'ayant pas adouci sa musique d'un iota, il fût obligé de créer sa propre maison de disques Unit Core, faute d'être accepté par les compagnies existantes.
L'extrait que j'ai choisi date de 1958 et s'intitule "E.B". Cette musique n'est pas encore trop difficile, mais le jeu de piano de Taylor est déjà fortement original : il joue de son piano comme d'un instrument de percussions, un peu comme Monk, mais en plus surprenant encore.
Pour terminer, laissons encore une fois la parole à Cecil Taylor. En 2000, à un interviewer qui lui demande s'il se sent toujours insulté quand les gens utilisent le terme "jazz" pour décrire ce qu'il fait, il répond :" Ellington a dit un jour à Gillespie ' pourquoi les laisses-tu appeler ta musique bebop ? J'appelle ma musique Ellingtonia !'. Il s'agit de musique américaine qui n'a jamais existé dans le monde avant qu'on la fasse."

lundi 17 septembre 2007

Not so sweet home, Alabama


En 1964, John Coltrane rencontre enfin Ravi Shankar qu'il admire (il appellera son second fils Ravi), et avec qui il n'avait eu, jusque là que des contacts épistoliques. John est un homme doux, épris de spiritualité et passionné par la philosophie asiatique. Il s'efforce d'être en paix avec les autres et avec lui-même, et sa croyance en l'être humain confine à la naïveté. Shankar saura voir l'homme tourmenté qu'était en vérité Coltrane, pour cela il lui suffira d'assister à quelques-uns de ses concerts. D'après lui, la musique de Coltrane était tout sauf apaisée, elle était pleine de tension, de tristesse et de mélancolie. En voici un exemple célèbre : le 15 septembre 1963, quatre fillettes noires sont tuées dans un attentat à la bombe sur une église baptiste en Alabama ; John Coltrane n'est pas un homme en colère comme, par exemple Charles Mingus, c'est un homme attristé, ne comprenant pas la folie des hommes ; en hommage à ces quatre fillettes, il compose l'un des morceaux de jazz les plus poignants qui existe : Alabama.

samedi 15 septembre 2007

Kiffe Keith, bourricot !


En ces temps perturbés, où le côté people des artistes a tendance à primer sur leurs créations, il devient difficile de garder de l'estime pour la diva capricieuse qu'est devenu Keith Jarrett. On savait déjà qu'il était difficile sur le choix des pianos et qu'il pouvait annuler un concert simplement parce que l'instrument mis à sa disposition ne lui convenait pas (à titre de comparaison, Monk jouait sur n'importe quel piano même désaccordé et ça sonnait comme du Monk). Ces derniers temps, l'attitude de keith face au public est devenue de plus en plus agressive, voire hystérique. Il ne supporte aucun bruit parasite (à part les cigales de Juan-Les-Pins), ce qui ne l'empêche pas de marmonner continuellement pendant qu'il joue, à la manière de Glenn Gould. Dernièrement, en concert en Allemagne, il aurait même incité les spectateurs à s'en prendre aux possesseurs de téléphones portables et d'appareils photos. Il lui arrive aussi d'arrêter son concert en plein milieu et de s'en aller. Voici une petite liste de ce qui l'agace :
- qu'un avion passe.
- qu'une mouche pète.
- que le polo du type au premier rang soit boutonné jusqu'en haut.
- qu'un spectateur japonais, bouleversé, se fasse hara-kiri pendant le concert.
- que les rangées de la salle ne soient pas bien parallèles.
- que l'avion qui était passé tout à l'heure s'écrase sur la scène.
Malgré tout il faut kiffer Keith. Il a introduit le lyrisme dans le piano. Dès ses débuts, dans le quartet de Charles Lloyd, il s'est fait remarquer pour ses improvisations denses et mélodiques. Le "Köln Concert" (1975) est l'un des plus beau disques que je connaisse avec ses vagues d'inspiration, qui montent en puissance, puis déferlent et vous submergent d'émotion. La "Survivor's Suite" (1976) est toute aussi belle, moins épurée mais plus jazz, et des moments mélancoliques à pleurer ! Je recommande aussi l'album "Expectations" (1972) dans lequel, en plus du quartet classique (Jarrett, Redman, Haden, Motian), on peut entendre le guitariste Sam brown et le percussionniste Airto Moreira. Tiré de cet album, voici "Sundance" :

jeudi 13 septembre 2007

Faut pas prendre Donald pour un Mickey !


En 1972, alors qu'elle l'avait encensé jusque là pour ses superbes albums de hard bop, la critique jazz commence à descendre Donald Byrd en flammes. Qu'a-t-il fait pour mériter ça, lui le superbe trompettiste, l'un des meilleurs des années 60 avec Lee Morgan et Freddie Hubbard, lui qui a joué avec Coltrane, Rollins, Silver entre autres pointures, et qui a enregistré quelques perles de hard bop en tant que leader ? Eh bien, il a commis le suprême sacrilège de mêler le funk et la soul à son jazz et de se payer un succès monstre : l'album "Black Byrd" est l'une des meilleures ventes de la firme Blue Note.
Si encore il en avait fait une musique chiante comme celle du Miles Davis de l'époque "Bitches brew", il aurait été pardonné (une musique où on s'emmerde autant, si ce n'est pas commercial c'est forcément génial !), mais non c'est un disque avec lequel on s'éclate franchement ! En plus de ça il a récidivé et a fini par devenir une icône du funk, ses disques du début des années 70 sont devenus un gigantesque gisement de samples. Ajoutons qu'à la suite du succès de l'album "Black Byrd", il a créé, en choisissant ses étudiants les plus doués (il enseigne à l'université de Howard à Washington où il est docteur en musique et président du département de musique noire), le groupe de funk The Blackbyrds, à peu près au moment où Herbie Hancock formait The Headhunters à la suite du triomphe du disque éponyme.
On peut donc se réjouir qu'au moment où le jazz mainstream s'affaiblisse dans une désespérante fusion tiedasse, il nourisse en retour le funk. Et quelle nourriture ! Je conseille aux amateurs intéressés d'écouter le fabuleux "Street Lady" (1973) dont est tiré "Miss Kane", en écoute plus bas, et aux puristes du jazz d'aller se siroter un brouet de sorcière et de s'étouffer avec.

mardi 11 septembre 2007

Ornette Coleman, le dynamiteur tranquille


Il est difficile de trouver un angle d'approche pour parler d'Ornette Coleman tant il est secret et discret. Il a mis le feu à la maison Jazz, a énormément choqué, tout en s'étonnant des réactions qu'il suscitait. Lui qui était la douceur incarnée s'est même fait casser les dents et écraser le saxophone à la sortie d'un club ! Quand j'entends dire qu'il a été ostracisé par ses pairs, j'acquiesce hélas ! Malgré tout cela, il est devenu une véritable icône du jazz et on lui attribue diverses paternités (en plus de celle du free jazz : celle du funk) qu'il n'a jamais revendiquées et dont il n'a jamais essayé de tirer les dividendes.
Il est aussi difficile d'inciter à écouter Ornette Coleman. Tout d'abord, son prénom fait penser à une contraction de Horner Yvette ! Ensuite, ce n'est pas un grand instrumentiste, et il donne même fréquemment l'impression de jouer faux et de manquer de respect vis-à-vis de son instrument : à ses débuts, il se produisait avec un saxophone en plastique blanc, ce qui n'incitait pas à le prendre au sérieux (Bird l'avait fait aussi pour le concert au Massey Hall, mais c'était parce que le sien était au clou et c'était tout ce qu'il avait pu trouver). J'ai mis du temps à l'apprécier à sa juste valeur : celle d'un immense compositeur et fournisseur de thèmes, souvent très gais et chantants, et celle enfin d'un incroyable novateur, le seul véritable depuis Parker et Gillespie.
Je ne conseille pas de l'aborder par l'inévitable "Free jazz" (1960) qui fit figure de manifeste ; il est certes étonnant mais c'est un disque auquel on ne s'attache pas, qui risque de décourager et dont la valeur est surtout historique. Commencez plutôt par "The shape of jazz to come" (1959) qui, tout en semblant très étrange et hors du temps, contient des airs qui vous resterons en tête, tel que "Lonely woman" en écoute plus bas ; ces airs sont des bouées auxquelles on peut s'accrocher pour éviter de perdre pied. Ensuite, une fois familiarisé avec son univers et après une éducation des oreilles, on peut se régaler avec "Chappaqua suite" (1965), "Science-fiction" (1971) ou "Skies of America" (oeuvre pour orchestre symphonique, 1972).
Pour résumer, la musique d'Ornette Coleman n'est pas comme celle de Coltrane, elle ne touche pas immédiatement, elle perturbe et bouscule, et si quand elle avance tu recules, comment veux-tu que... pardon, il est temps que j'arrête, il y a du dérapage dans l'air... En gros : elle se mérite et finit par récompenser l'auditeur persévérant.

dimanche 9 septembre 2007

Pensées brésiliennes


Airto Moreira est capable de faire chanter n'importe quel rythme. Il est le plus grand percussionniste de jazz du tournant des années 60 et 70. Le nombre de pointures qui ont fait appel à lui est impressionnant. Il est surtout réputé pour avoir participé aux plus grands disques de fusion, à commencer par le "Bitches Brew" de Miles Davis, les premiers disques de Weather Report et de Return To Forever (le groupe de Chick Corea). Mais ce n'est pas pour ces disques que je l'aime, je n'ai jamais apprécié cette musique ! Pour moi, la fusion ce n'est rien d'autre qu'une soupe chaude avec quelques grumeaux qui surnagent et, sans lui, ces disques bien surestimés seraient comme des poissons hors de l'eau : ils manqueraient d'air, tôt.
Je le préfère chez Lee Morgan, Donald Byrd, Freddie Hubbard, Cannonball Adderley, Paul Desmond, Keith Jarrett, Gato Barbieri, Joe Henderson, McCoy Tyner... la liste est longue et bien fournie.
En même temps qu'il enregistrait avec le ghotta du jazz de l'époque, Airto sortait aussi des disques en leader, avec la participation de sa femme, la chanteuse Flora Purim. Tous ses disques ne relèvent pas du jazz, certains sont même carrément de la variété, mais en tout cas, les deux premiers, "Natural Feelings" et "Seeds on the Ground" procurent de purs instants de bonheur.
En voici un : "Andei".
Quant aux puristes qui font la moue en décrétant que cette musique n'est pas du jazz mais de la world, je leur dis ceci : "On n'est pas obligé d'être con en permanence, faites une pause !"

vendredi 7 septembre 2007

Melodic Nelson


Voici un album qui devrait figurer dans la discographie de tout amateur de jazz qui se respecte... et même dans celle d'un amateur de jazz qui ne se respecte pas... et même dans celle d'un amateur de rock (qu'il se respecte ou non)... disons dans toute discographie : "The blues and the abstract truth" par Oliver Nelson.
Pour commencer, le casting est d'enfer : voyez plutôt la photo de la pochette, pas un second couteau, si ce n'est... le leader lui-même !
Bon, j'exagère un peu, Oliver n'est pas un mauvais saxophoniste, loin de là ! Mais ses plus grandes qualités sont ailleurs : c'est un compositeur de première bourre (on trouve notamment sur l'album l'un des plus grands standards du jazz : "Stolen moments"), et surtout un arrangeur de génie qui a mis son talent au service de Cannonball Adderley, Wes Montgomery, Sonny Rollins... excusez du peu ! Pour la petite histoire, à l'université de Washington, en plus de la composition et de la théorie musicale, il a étudié... la taxidermie et l'embaumement. Si ça ce n'est pas de l'arrangement...
La discographie d'Oliver Nelson n'est pas très fournie, il est malheureusement mort à 43 ans en 1975. Ses albums sont intéressants et généralement bien fournis en accompagnateurs de première catégorie ; mais celui dont il est question ici... est tout simplement son coup de trafalgar (du point de vue anglais évidemment !), un énorme succès et probablement l'un des meilleurs albums de jazz de tous les temps ! 3583 tonnes... excusez moi, je pesais mes mots.
Etant donné que "Stolen moments" est un tube très connu et qu'en plus il est un peu long (plus de 8 minutes), j'ai choisi de vous faire écouter "Hoe down" (à 8'47 sur cette video de l'album complet), pour l'arrangement du thème à l'unisson, et en plus... waouh, ça pète !

mercredi 5 septembre 2007

Allons siffler sur la colline


Il y a deux façons de faire la révolution en musique : de l'intérieur du courant majoritaire (mainstream) ou de l'extérieur. Mais, l'extérieur finit toujours par l'emporter car il crée de nouvelles formes. Aussi le nom d'Andrew Hill évoque-t-il peu de chose aujourd'hui. Tout au plus une ressemblance avec Underhill (Soucolline), le pseudo que prend Frodon en arrivant à l'auberge du Poney Fringant. Mais, par Saint-Lazare, je m'égare ! Revenons à Andrew, c'était un compositeur et pianiste très original, dans la filiation de Monk, donc. Il était à l'avant-garde du mainstream, donc à l'arrière-garde de l'avant-garde... vous me suivez ? Son nom a été plus ou moins effacé par les McCoy Tyner, Coltrane, Coleman and co : le free a tout balayé et il n'est rien resté des expériences, finalement trop canalisées par la structure hard-bop, d'Andrew Hill. Ah, si seulement il avait osé porter l'anneau en Mordor ! Mince, je dérive encore ; pensées farfelues, flammes d'Udun, retournez dans l'ombre, vous ne passerez pas !
Pour gagner sa vie, en plus de ses disques, qui ne se vendaient pas assez, Andrew Hill s'est tourné vers l'enseignement ; il a quand même une discographie assez fournie qui va de 1960 à 2006 (il nous a quitté en avril dernier) et qui comporte peu de scories. A ceux qui veulent découvrir cette musique, comment dire... elfique, je recommande les albums "Point of departure", "Dance with death" ou "Passing ships" pour avoir idée du fabuleux compositeur de thèmes et de rythmes complexes qu'il était ; et aussi, pour son jeu original de piano : "Invitation" enregistré en trio. Dans ces disques, comme dans la plupart de ses enregistrements, l'intégralité des morceaux est composée par lui.
En écoute, voici "Dance with death" (et ce n'est pas du death jazz !) :

lundi 3 septembre 2007

Ra... Lovely !

Rapport de l'agent Xyztazmoatchop concernant la mission d'infiltration terrienne de l'agent Baaaati :
Je rappelle que le susnommé Baaaati fut envoyé sur terre sous le nom de Herman Poole Blunt dans le but d'observer les moeurs terriennes en se spécialisant dans le domaine de la musique, et ce dans le but de la préparation d'une invasion massive de cette planète par les forces saturniennes.
J'affirme que cet agent a failli à sa mission et peut même être considéré comme un traître pour les raisons que je vais maintenant évoquer :
- Tout d'abord, l'agent Baaaati n'a pas respecté le protocole établi et s'est rebaptisé de lui-même Sun Ra en hommage à une obscure divinité terrienne de bas étage, commettant, en passant un sacrilège incommensurable à l'égard de Waouputinxébon le seul et unique dieu dans l'univers !
- De plus, alors qu'il lui avait été demandé de pratiquer une musique n'attirant pas l'attention, il n'a eu de cesse que de dévier de son chemin et de détourner les codes de cette musique (appelée jazz par les terriens). Il a semblé, au début se fondre dans le moule et jouer les styles en vigueur à son époque : swing, puis be-bop et hard-bop ; mais, ce faisant, il composait des morceaux aux titres très étranges pour l'époque, tels que "A call for Demons", "Advice for medics" ou "Medicine for a nightmare". Ses premiers disques, même s'ils paraissent écoutables pour un auditeur actuel furent considérés comme bizarres à l'époque de leur parution.
- Enfin, faisant fi de toutes les consignes de discrétion, il finit par griller sa couverture et affirma venir de Saturne, tout en enregistrant des disques aux titres très explicites tels que "Visit planet Earth", "interstellar low ways" et autres "The nubians of Plutonia". S'il n'y avait que les titres des morceaux, les tenues excentriques et les déclarations farfelues, il aurait pu simplement passer pour un doux dingue. Le problème est qu'il s'est mis à jouer pûrement et simplement de la musique saturnienne, provoquant la stupeur des auditeurs terriens ! De leur point de vue, même après l'avènement d'une musique très libre appelée free jazz, la musique de Sun Ra est toujours aussi unique et étrange, bref : extraterrestre !
Je recommande donc d'abandonner nos projets d'invasion, les terriens étant maintenant vraisemblablement au courant de notre espionnage.
Comme preuve de la trahison de l'agent Baaaati, voici "Solar Drums" tiré de l'album "Art forms of dimension tomorrow" (1965). Dans ce morceau, vous reconnaîtrez sous un titre qui le déguise, le fameux hymne de notre beau pays de Zzzzzwakawaka : "The Star Spangled tirelipoingpoing".

samedi 1 septembre 2007

Tout ce qui brille est d'argent


Si vous demandez à un amateur de jazz de vous citer un pianiste ayant eu une énorme influence, vous aurez sans doute comme réponse Art Tatum pour l'avant bop, Bud Powell pour le bop ; plus proche de nous, à partir des annés 60 : McCoy Tyner et Bill Evans. Il en est un qui est rarement cité et dont l'influence est pourtant gigantesque : Horace Silver.
En 1953, Horace Silver s'associe avec Art Blakey pour créer les fameux Jazz Messengers dont le premier disque "Horace Silver and the Jazz Messengers" posera les jalons du hard bop. Tout le jazz mainstream des années 50 à nos jours porte la marque argentée. Miles Davis, après sa période cool jazz déclare que Silver est l'exemple à suivre et il ne s'en prive pas. Pratiquement tout ce qui compte comme soliste dans les années 50 et 60 est passé soit chez Silver, soit chez Blakey (qui prend la tête des Jazz Messengers en 56, après le départ de Silver). Les pianistes ont tous subi son influence (même Cecil Taylor le reconnaîtra, c'est dire !), il est l'inventeur du style "funky", ce qui veut dire "sale" et que l'on retrouve partout, y compris dans la soul et la pop.
Le morceau que je mets en écoute, "Psychedelic Sally", est assez tardif (1968) mais il est significatif : vous avez l'impression d'entendre ce style partout ? C'est vrai, et c'est lui qui l'a inventé !
Si vous ne devez avoir qu'un album d'Horace Silver (ce qui serait dommage !), je vous conseille "Song for my father" en 1964. Le père d'Horace était originaire du Cap Vert et son nom était Silva, ce qui aux Etats-Unis se prononce de la même façon que Silver, il n'a donc pas eu à se creuser la tête pour se trouver un pseudo.