jeudi 28 février 2008

Reflets dans l'eau

Claudio Arrau est le pianiste qui a réussi à me faire aimer Chopin. Son enregistrement des nocturnes est une merveille, avec son toucher lourd, donnant du corps et de la profondeur à cette musique, que j'avais jusqu'alors trouvé trop légère. Un toucher lourd pour Debussy, ça semble être une aberration, et pourtant, j'aime aussi beaucoup Arrau dans Debussy, sans pour autant aller jusqu'à oublier les enregistrements de Samson François.
Sur cette vidéo, il est interressant de voir arriver et s'installer Arrau, avec son allure d'Hercule Poirot un peu enveloppé (Hercule Potée-au-choux, peut-être...), il ne paye pas de mine mais, assis il est bien plus impressionnant.
Et, comme toujours avec la musique de Debussy, on est surpris de la voir jouer, tant il parait peu naturel qu'elle puisse être produite par des instruments.

Soyons déraisonnables !

L'album "Karma" de Pharoah Sanders est sorti en 1969 et, si l'on ne doit en avoir qu'un du pharahon, c'est celui-là ! Ce disque est, comment dire... touffu ! Imaginez une expérience zen, mais dans la jungle humide et étouffante, du zen claustro en quelque sorte. Le disque est composé de deux titres uniquement, le premier occupant presque tout l'espace (32 minutes), et le deuxième beaucoup plus court (5 min) qui est évidemment celui que vous trouverez en écoute plus bas.
Le premier titre, "The creator has a master plan" est démesuré à souhait, d'une densité sonore inouïe, relativement calme pendant une vingtaine de minutes, ponctuées des envolées yodléïsantes de Leon Thomas, ensuite on assiste à un déchainement de violence cataclysmique pendant environ cinq à six minutes, avant un retour au calme oppressant jusqu'à la fin du morceau.
Décrit comme ça, ça fait peur, non ? Moi j'adore, mais je ne suis pas sûr de pouvoir être considéré comme raisonnablement sain d'esprit. En tout cas, j'aime la démesure par dessus tout. Pour vous faire une idée, si ce disque était un livre, il ressemblerait plus au Terra Nostra de Carlos Fuentes qu'à la première gorgée de bière de Philippe Delerm.
En d'autres termes, cet album, avec quelques autres, est la preuve que le jazz aussi a eu sa période psychédélique.
On s'écoute le deuxième titre, "Colors", qui est un peu la version light du premier :

mercredi 27 février 2008

La terre, le vent, le feu et la daube

Dans la série "combattons nos préjugés", je vous propose de revenir sur le cas du groupe Earth, Wind & Fire. Je sais, pour vous c'est de la daube des années 80. Pour moi aussi, jusqu'à ce que je décide, après avoir découvert les fabuleux premiers album de Kool & The Gang, d'aller écouter les débuts du groupe en 1971. Bon, disons-le tout de suite, ce n'est pas aussi bon que Kool et son gang : moins jazz, et on sert la soupe dès le début. Mais, une fois passés les titres calibrés radio (genre Stevie Wonder, donc supportable quand même), vous pouvez vous attendre à de vraies surprises : des morceaux nourris de rythmes africains ou latino-américains, des instruments inhabituels chez un groupe de funk (piano à pouces par exemple), en somme, de la très bonne world music.
Evidement, c'était trop beau pour durer : après cinq albums de cet acabit, Earth, Wind & Fire a "enfin" trouvé le succès en faisant de la grosse daube qui tache, comme la plupart des groupes de funk ou de soul qui se sont reconvertis en disco à partir de 75 ou 76.
Pour vous donner envie d'aller à la recherche des pépites de chocolat dans le biscuit, voici "Power", tiré de "Last days and time" (1972) :

Découvrez Earth, Wind & Fire!

mardi 26 février 2008

Fouillons, il reste tant de perles à découvrir !

Je croyais connaître tous les meilleurs enregistrements de Freddie Hubbard, et puis je suis tombé sur celui-ci, qui date de 1966 et qui est une pure merveille ! Pour commencer, deux joyaux de hard bop, "Backlash" et "The return of the prodigal son" que je n'arrive pas à départager. J'attends d'arriver à la fin de cette note pour décider lequel je mets en écoute. Ensuite, un superbe "Little sunflower" où la flûte de James Spaulding fait merveille, agrémentée des congas de Ray Baretto. Les trois derniers morceaux sont plus aventureux et font sortir l'album du cadre strict du hard bop. L'ensemble est donc un album varié, avec une excellente accroche, et qui est à recommander chaudement.
Allez... va pour "The prodigal son" (Alors quoi... il te plaisait pas l'autre ?).

dimanche 24 février 2008

Pouce !

Bon, je reviens de vacances et j'ai pas trop le temps là, alors... un classique bien fédérateur : Wes Montgomery ("Jingles"). Enfin, avec cette vidéo on a la preuve : on peut jouer de la guitare comme un dieu avec quatre doigts de la main droite dans le sac (rappelons qu'il manquait deux doigts à Django Reinhardt mais c'était à la main gauche), il suffit d'avoir un pouce, la main gauche qui fonctionne bien, et accessoirement, d'être l'un des trois ou quatre géants de la guitare jazz.
Evidemment, étant donné que Wes avait tous ses doigts valides, il aurait pu choisir de les utiliser tous. Aurait-il alors révolutionné l'art de la guitare jazz ?
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jeudi 14 février 2008

Ben quoi ?

Bon d'accord : "So what ?" est un tube que tout le monde connait. Mais voir Miles et Trane le jouer, c'est autre chose. On atteint ici les sommets du jazz et cette vidéo est tellement magnifique qu'il est inutile d'ajouter quoi que ce soit.

dimanche 10 février 2008

Brahms Stoker

Je ne sais pas vous mais, moi je suis de ceux qui écoutent de la musique en lisant. Dans ma mémoire, certains romans sont fortement liés à la musique que j'ai écoutée la première fois que je les ai lus. Il y a des associations qui s'imposent d'elles-mêmes : "Le sacre du printemps" avec "Salammbô", par exemple. D'autres sont plus inattendues et l'on est surpris qu'elles aient pu fonctionner : Poulenc avec Dos Passos, Steve Reich avec Kafka...
Parmi les associations évidentes, il en est une qui est particulièrement tenace chez moi : "Dracula" et la première symphonie de Brahms (jugez-en en écoutant, plus bas, le premier mouvement...). Toutes les deux sont des oeuvres romantiques par excellence et, à chaque fois que j'entends la symphonie, je pense au roman. Cette symphonie de Brahms a été qualifiée de "dixième symphonie de Beethoven" et cela se veut flatteur étant donnée la réputation de la neuvième de Beethoven (surfaite à mon avis, le final tant vénéré est pour moi une espèce de pudding indigeste !). En fait, je passe à Brahms après la sixième et la septième de Beethoven, que je considère comme les plus grands chefs-d'oeuvres de musique symphonique. Les quatre symphonies de Brahms sont aussi intéressantes, jamais ennuyeuses et bien pourvues en mélodies qui vous restent en tête.

Découvrez Günter Wand!

samedi 9 février 2008

Le grand schtroumph et le p'tit bleu

Superbe video du quintet de Horace Silver jouant "Senor Blues", un grand classique du maître, en 1959. Junior Cook est au ténor, Blue Mitchell à la trompette. Un must pour tout amateur de hard bop, et de jazz en général :

jeudi 7 février 2008

Faisons de l'art, ensemble

L'Art Ensemble of Chicago est peut-être le groupe le plus free qui existe. Je ne veux pas dire : le plus radical. Non, ils sont libres au sens premier du terme : ils font exactement ce dont ils ont envie, ne s'interdisent rien, ne remplacent pas d'anciennes obligations par de nouvelles. Par exemple, ils ne s'obligent pas à une improvisation collective permanente, ils ne s'interdisent pas de jouer quelque chose de construit, ils peuvent swinguer quand ils veulent, incorporent à leur musique des rythmes africains, du New-Orleans, du bop, du funk, et c'est toujours une création originale, qui ne ressemble pas à la précédente.
Certes, ils sont parfois ennuyeux, un peu trop conceptuels, mais ce n'est pas une pose, ce n'est peut-être même pas conscient. Il y a chez eux une authenticité qui force le respect et qui les pousse à avancer en se foutant du reste.
S'il est un disque qui montre l'étendue de leurs talents c'est bien "Les stances à Sophie" (1970), musique conçue pour un film et finalement non utilisée, mais heureusement enregistrée ! Cet album est l'un des plus beaux disques de free jazz, et de jazz tout court, ayant jamais existé. Il est à placer à mi chemin entre Eric Dolphy, pour la finesse et Pharoah Sanders, pour l'inventivité instrumentale. Il est à noter la présence de la fabuleuse chanteuse soul Fontella Bass, alors mariée à Lester Bowie, et qui chante sur deux des titres. Ce disque constitue une bonne porte d'entrée dans le free, il n'est jamais austère ni froid, il commence même sur un titre très funky, à la suite de quoi on va de surprise en surprise.
En écoute : "Thème de l'amour universel", un élément parmi d'autres, mais attention : impossible de réduire le disque à cette ambiance, il ne s'y trouve pas deux morceaux ressemblants !

lundi 4 février 2008

Faites face à la musique

Quand Sun Ra and his Arkestra passent dans un show TV en 1990, il est évident qu'ils ne peuvent pas jouer trop free, de peur que le producteur de l'émission ne coupe le jus, prenant leur prestation pour un attentat culturel. Alors, habillés quand même comme les membres d'une secte, ils jouent "Face the music", une musique raisonnablement écoutable ( mis à part le solo de sax alto de Marshall Allen !) pour le spectateur américain moyen, et même dansante, limite trippante. En clair, ça donne ça :

samedi 2 février 2008

Gagnez une nuit en Tunisie avec Johnny !

Cette video date de 1964, période où Johnny Griffin vivait en Europe. Il est ici accompagné par un quartet hollandais, pour une superbe version de "A night in Tunisia", de Dizzy Gillespie. Fais nous mal, Johnny Johnny !

vendredi 1 février 2008

Fabuleux il l'est, Callier

Vous en connaissez beaucoup des noirs qui jouaient du folk dans les années 60 , 70 ? Ben non, ils étaient occupés à jouer du funk ou de la soul ; après tout, le folk c'est une musique de blancs ! On a plutôt entendu des musiciens de folk-rock blancs ajouter de la soul à leur musique pour l'enrichir. C'est dire si Terry Callier est allé à contre-courant, et cela explique qu'il soit resté quasi-inconnu pendant trois décennies, jusqu'à ce qu'on se rende compte dans les années 90 qu'on avait affaire à un songwriter de génie, pourvu de surcroît d'une voix à tomber par terre, une voix à donner la chair de poule à un ours polaire.
Premier disque concocté en 1964 : "The new folk sound of Terry Callier", tellement "new" qu'il a fallu attendre 1968 pour qu'il soit distribué ; un disque épuré, de musique folk avec une voix soul. Ensuite, cinq disques en tout et pour tout entre 72 et 79, dont les fabuleux "Occasional rain" et "What color is love". Puis un énorme trou, que dis-je : un abîme, jusqu'en 96 où un fan à la tête d'une maison de disque lui demande l'autorisation de sortir le single "I don't want to see myself (without you)" qui devient un gros succès dans les clubs anglais et relance sa carrière.
Et voilà Terry qui se remet à sortir des disques qui sonnent exactement comme ceux qu'il a sorti 25 ans plus tôt et qui n'ont pas pris une ride.
Résumons : Terry Callier c'est Bob Dylan plus Marvin Gaye et le mélange est supérieur à la somme des parties. En écoute : "Trance on Sedgewick Street" tiré de "Occasional rain".

Découvrez Terry Callier!