lundi 27 octobre 2008

Un pianiste d'aujourd'hui, sans formol

Dans les années 90, le monde entier émerveillé...euh, non j'en fais trop là, le monde du jazz émerveillé... non, c'est encore trop, les amateurs de jazz mainstream pasteurisé émerveillés... là, ça le fait ; ces amputés des sens, et quelques-uns quand-même qui voyaient plus loin que le coin de leur oreille (pas facile ça!), découvraient, en même temps que James Carter, qui est à Coltrane, Sanders, Ayler ou Barbieri ce que le babybel ( rond, calibré, sans odeur et sans saveur) est au munster... découvraient donc Craig Taborn, un nouveau pianiste talentueux qu'on imaginait un peu faire une carrière à la Andrew Hill, c'est à dire un jazz intelligent mais sans dépasser la ligne blanche.
Grossière erreur ! Taborn ne faisait chez Carter que ce que son patron lui demandait de faire, et certes il le faisait suffisamment bien pour attirer l'attention, mais Taborn n'a rien d'un artiste mainstream, c'est même tout le contraire, et c'est pourquoi son nom n'est jamais vraiment arrivé sur le devant de la scène.
En fait, la raison pour laquelle Carter l'a engagé est principalement, selon Taborn lui-même, qu'il n'y avait pas tellement de pianistes de jazz de son age à Détroit, et il aura suffit à Carter d'entendre Taborn jouer du bebop en club pour l'intéresser. Pourtant, les références de Taborn sont tout autres que celles de Carter : Sun Ra, l'AACM, Braxton, Taylor, et un goût pour la musique rock de son époque (Hüsker Dü, The Replacements...), ainsi que pour la techno naissante qui le fascine. Voilà donc notre Craig qui, en plus de jouer du piano, se met au synthétizer Moog et à la musique électronique.
Après avoir quitté Carter, Craig Taborn sort deux premiers disques qui laissent franchement entendre son talent au piano, tout en étant assez inventifs. Puis, à partir du troisième, "Junk magic"en 2004, il bascule carrément dans le vrai jazz créatif, plus proche de l'ambient et du free rock que du revival hard bop et, libéré de sa virtuosité, crée des atmosphères , atmosphères... mais oui, il a bien une gueule d'atmosphère !
N'étant pas intéressé par le fric, sinon sa voie était toute tracée, il enregistre peu de disques sous son nom, et on le trouve surtout comme sideman chez Roscoe Mitchell, ou encore chez David Torn (sur le fantastique "Prezens") et chez Tim Berne (notamment sur le superbe "Science Friction"), deux artistes de la scène free actuelle (tendance John Zorn). De plus , on le retrouve sur des disques de rock (avec Greg Norton, un ancien de Hüsker Dü, sur "Gang font featuring Interloper"), et de techno (l' Innerzone Orchestra de Carl Craig sur "Programmed").
Pour vous faire une idée de l'étendue de registre de cet artiste majeur de la musique actuelle, voici un florilège de ce dont il est capable :
- "Bodies we came out of - Part one", en trio, encore assez classique, sur son deuxième album, "Light made lighter" en 2001.
- "Junk Magic" sur l'album du même nom, complètement différent, en 2004.
- Un extrait de "Prezens" en video, en concert avec David Torn et Tim Berne.
- Et enfin, une vidéo de concert aveg Gang Font.



 
 


Voilà... c'est là pour moi, que réside le jazz actuel, car je dirais, en paraphrasant Cecil Taylor : "Je ne sais pas ce qu'est le jazz actuel, mais ce que je sais, c'est que ce qu'on appelle jazz actuellement, n'en est pas !"

Je vous engage à découvrir ce qu'ont écrit mes collègues du Z-Band sur le sujet "Noires et blanches en couleur" :

- Z et le jazz : Bheki Mseleku
- Ptilou : Jean-Michel Pilc
- Native dancer : Sylvie Courvoisier
- Maître chronique : Bojan Z
- L'ivre d'images : Marc Copland
- Jazz à Paris : Jobic Le Masson
- Jazz Frisson : Marco Benevento
- Belette & Jazz : Andy Emler

samedi 25 octobre 2008

Avec Henri, t'es scié !

Je reviens d'un concert d'Henri Texier et j'en ai encore des étoiles plein la tête et des frissons dans l'echine mais... pas le temps d'en parler car je pars en vacances. Alors j'y reviendrais, c'est promis ! En attendant, une petite video d'un superbe jazz-reggae :

jeudi 16 octobre 2008

Krautrock, cékoidon ?

Il y a trop longtemps que je repousse ce moment, il est temps que je parle du Krautrock. A vrai dire, j'en veux beaucoup à la critique d'avoir laissé dans l'ombre cet immense pan du rock des années 70. Il aura fallu l'obstination d'Arnaud Le Goüefflec pour qu'enfin je renonce à mes préjugés contre le rock allemand. Pourquoi cet ostracisme, ou ce dédain de la presse rock de l'époque ? Tout simplement, ces musiciens avaient un pied dans le passé, ce qui a masqué le fait qu'ils en avaient deux dans le futur (oui, oui, c'étaient des tripodes... en tout cas de sacrés extra-terrestres !).
Ce pied dans le passé, c'est leur look ; ils n'étaient pas sortis du psychédélisme (cette photo de Can en atteste), vivaient en communauté et se shootaient au LSD alors que plus personne ne voulait entendre parler de flower power. Si les critiques de l'époque avaient fait plus confiance à leurs oreilles qu'à leurs yeux, ils se seraient rendu compte que cette musique avait beaucoup plus à voir avec le Velvet Underground première période, avec Frank Zappa, avec les Stooges, avec le rock garage US, qu'avec Grateful Dead. Leur musique est plus pré-punk que psychédélique.
Au lieu de ça, que nous a-t-on vendu ? Deux courants principaux du rock anglais : le blues-rock à la Led Zeppelin et autres Free, ou bien le progrock, musique sophistiquée et intellectuelle, empruntant largement au free jazz dans le meilleur des cas (Soft Machine, Hatfield & the North, Henry Cow...) et monstrueusement boursouflée et prétentieuse dans le pire (Yes, Genesis, Emerson, Lake & Palmer...). Mais bon sang de bois ! Ne pouvait-on entendre l'évidence : le Krautrock combine le meilleur de ces deux styles. Une inventivité de tous les instants, des improvisations de fous, dans des jams de 15 à 25 minutes, et tout ça avec une énergie... et des guitares... à réveiller un mort, et même peut-être un sénateur ! Et, cerise sur le gâteau, un son exceptionnel, dû aux ingénieurs du son de Stockhausen lui-même, alors que le son de Genesis, par exemple, reste pourri de chez pourri, même après restauration numérique !
Pour qui veut découvrir le Krautrock, c'est un puit sans fond. Une quantité incroyable de groupes n'ont jamais passé les frontières de l'Allemagne, mais ceux qui l'ont fait ont modifié profondément la musique et leur influence s'en fait encore sentir : ils sont à l'origine du rock indus, de l'ambiant, et même probablement de la techno. Un seul groupe est vraiment connu : Kraftwerk, mais c'est principalement parce qu'à l'instar de Pink Floyd, ils sont passés du rock expérimental le plus ardu à une musique plus accessible, leur permettant de toucher un large public.
Il existe, en tout cas, un groupe qui devrait avoir une notoriété supérieure à celle de Pink Floyd, le groupe phare du Krautrock, ceux qui ont inventé ce terme, comme une boutade, dans un titre de chanson ( Krautrock signifie "rock choucroute") : Amon Düül II. Ce groupe est peut-être le plus grand groupe de rock de tous les temps et j'y reviendrais... parce que là maintenant, je commence à fatiguer !
En attendant, si vous trouvez que j'exagère, écoutez moi cette merveille : tout simplement le premier morceau (Kanaan) du premier disque d'Amon Düül II (Phallus Dei en 1969). Tout le Krautrock est là !

vendredi 10 octobre 2008

Max Boom !

Dans les années 70, Max Roach a monté un groupe composé uniquement de percussionnistes : M'Boom. La première idée qu'on s'en fait ? Que des batteurs, ça doit être lourdingue comme musique... et chiant comme la pluie ! Fatale erreur, qui conduit à reculer le moment d'écouter ce pur chef d'oeuvre de finesse et de délicatesse. De la dentelle de Calais, voilà ce qu'est cette musique, hors du temps et indémodable. On n'y trouve, bien sûr, pas que de la batterie, mais des marimbas, xylophones, vibraphones, tympani, cloches et même une scie musicale ! Et on ne peut pas s'empêcher de rapprocher cette musique de celles de Steve Reich ou de Monndog, tout en reconnaissant que cet envoûtement est en fait d'origine africaine.
En écoute, une merveille parmi huit autres : "Onomatopoeia"

dimanche 5 octobre 2008

Prend ta Caravan...

Bon... cette note, en fait, c'est pour faire un essai de programmation. Alors, autant se faire plaisir ! Randy Weston et Max Roach en duo dans ce qui est sans doute le plus grand tube de l'histoire du jazz : "Caravan" de Duke Ellington.

Ok, bon... la caravane est partie mais well, you needn't...