dimanche 25 mai 2008

L'ultime innovateur

En choisissant d'intituler son premier disque "3 compositions of new jazz", c'est le jazz qu'Anthony braque...stone. Et en fait, non... même pas stone, très lucide et conscient, au contraire. Il savait ce qu'il allait déchaîner contre lui ; cette musique n'est pas du jazz ! Reste deux options : ce n'est pas du jazz, donc c'est de la merde, et c'est l'opinion de beaucoup de jazzmen mainstream de l'époque, ou alors, ce n'est pas du jazz et pourtant c'est de la musique géniale, opinion certes moins répandue, en dehors des milieux free, bien entendu. Il reste une troisième option, celle qui prévaut 40 ans plus tard : c'est du jazz et c'est au jazz ce que les Demoiselles d'Avignon sont à la peinture, le point de départ d'une évolution fulgurante qui mènera l'art au point de non retour.
S'il est impossible à l'heure actuelle d'innover dans le jazz, c'est la faute à Braxton : il a tout fait ! Il a notamment été le premier à enregistrer un album entier de saxophone solo, "For alto" en 1968, son deuxième album. Le moins que l'on puisse dire est qu'il est périlleux de pénétrer dans son univers par cette porte étroite. Si vous sautez les étapes, vous balancerez ce disque dans le feu au bout de cinq minutes.
Il est plus aisé de commencer par l'un de ses disques hommages à ses inspirateurs : Monk, Tristano, Parker. Ensuite, plongez dans les albums de groupes : Circle, avec Chick Corea (surprenant non ? Chick voulait sortir du jazz fusion de Miles Davis, avant d'y retourner en créant Return to Forever, et Braxton voulait sans doute profiter de la notoriété de Corea pour toucher un public un peu moins confidentiel...), et surtout Creative Construction Company, avec notamment le pianiste Muhal Richard Abrams et le violoniste Leroy Jenkins.
Ensuite, une fois que l'on est pris, on n'en décroche plus, tout est intéressant, varié et original.
A part ça, que peut-on dire de Braxton ? Eh bien, c'est un peu le prototype de l'intellectuel en musique dans les années 70. Il en est même presque caricatural : petites lunettes rondes, rouflaquettes, pipe... pour les sandales en cuir, je ne sais pas, on ne voit pas ses pieds sur les photos. Influencé principalement par des saxophonistes (Coltrane, Dolphy, mais aussi Desmond et le Warn Marsh de chez Tristano), il a étudié la musique classique et la composition. Ses petits camarades du jazz auront d'ailleurs beaucoup de mal à lui pardonner sa passion pour Cage, Stockhausen & co (non, ce n'est pas le cabinet d'avocats d'Ally McBeal !). En plus de ça, il a l'agaçante habitude d'affubler ses compositions de titres obscurs qui sont, selon lui, des formules de mathématiques (N-M488-44M Z, par exemple, a tout pour devenir un tube !) et qui rendent les discussions entre passionnés assez étranges.
Afin de ne pas plomber ce blog, je mets en écoute un morceau, "Piece three", tiré de l'album "Creative Orchestra Music" (1976), qui n'est pas d'emblée rebutant pour les oreilles non éduquées. C'est même une espèce de pied de nez, une marche, genre clique de patronage laïque qui commence, à partir d'un moment, à patiner puis à partir en vrille comme si les musiciens étaient bourrés. Alléchant, non ?

vendredi 23 mai 2008

Un orchestre qui dépote

Pas facile de faire vivre un grand orchestre dans les années 60, 70 ; ça coûtait cher et c'était passé de mode. Pourtant il en restait un, avec une gnaque d'enfer : le grand orchestre de Thad Jones et Mel Lewis. Ils jouaient du swing, du bebop, du hardbop, et se sont taillé un beau succès qui les a fait durer de 1965 à 1978, ce qui n'était pas gagné à priori. Avec cette vidéo, vous allez comprendre pourquoi.
A noter le solo de batterie du co-leader Mel Lewis, aux cymbales, ce qui n'est pas courant dans un big band.

lundi 19 mai 2008

Monk, avant le silence...

... c'est encore du Monk ! "Caravan" en concert au Japon en 1973, soit l'année où il se retire et rentre dans sa coquille pour ne plus ouvrir la bouche jusqu'à sa mort 9 ans plus tard.
Les mots sont inutiles...

mercredi 14 mai 2008

Abbey... ouais !

Abbey Lincoln aurait pu se contenter d'être un clone de Billie Holiday, même genre de voix, un peu étriquée, imparfaite mais tellement plus émouvante que les grandes voix du jazz à large tessiture que sont Ella Fitzgerald ou Sarah Vaughan. En fait, c'est ce qu'elle faisait à ses débuts, dans les clubs ou elle chantait et sur ses tout premiers albums.
Et puis, elle a rencontré Max "Pygmalion" Roach, qui a su la faire monter d'un cran, la faire passer d'une sous-Billie, aussi talentueuse soit-elle, à Abbey Lincoln, telle qu'on la connait, unique et originale. Elle s'est mise à choisir ses chansons pour leurs paroles, pour leurs significations, faisant tout pour leur donner du sens. Ce faisant, elle s'est encore rapprochée de Billie, celle qui chantait "Strange fruit" avec une telle intensité dramatique que c'en devenait bien plus qu'une simple chanson.
Malheureusement, Abbey se fait rare. Après trois album banals, elle enregistre trois chefs d'oeuvre en trois ans (1959, 1960, 1961) : "Abbey is blue", au titre suffisamment parlant, "Freedom Now Suite" avec Max Roach, et "Straight Ahead" avec Coleman Hawkins, Eric Dolphy, Booker Little, Mal Waldron, Max Roach évidemment, excusez du peu... Il va falloir ensuite attendre 1973 pour un nouvel album : "The people in me", une merveille dont je parlerais plus tard.
Pour l'instant, je mets en écoute un morceau de Mongo Santamaria que tout le monde connait sous les arrangements de Coltrane : "Afro blue", dont c'est la première version chantée. Il est bien sûr tiré de "Abbey is blue".

samedi 10 mai 2008

Kora, kora

Pour ceux qui ne connaissent pas la kora, ce magnifique instrument africain, en voici une démonstration par le grand maître Toumani Diabaté.

Toumani a par ailleurs enregistré un superbe album, MALIcool, avec le grand tromboniste free Roswell Rudd, compagnon de route d'Archie Shepp et de Steve Lacy. En voici un extrait, "Bamako", tout simplement l'un des plus beaux morceaux que je connaisse. Qui aurait cru que la kora et le trombone se marieraient si bien ?





vendredi 9 mai 2008

Régénération


Une très courte note sur cet album de Stanley Cowell : "Regeneration" (1975). Simplement parce que j'ai envie de mettre en écoute ce superbe morceau : "Lullabye".
Il est d'ailleurs assez difficile de trouver des renseignements sur Cowell, qui reste scandaleusement méconnu. Quant à ce disque, allmusic le décrit comme un album de pop infusée de jazz avec de solides racines africaines. Il est très changeant, allant du morceau pop groovy (avec Stanley au synthé), au morceau africain austère, joué à la kora, en passant par le blues. A découvrir donc, si l'on aime la variété, au sens premier du terme, bien entendu !


Lullabye n'est plus disponible, mais voici "Travelin' Man", en remplacement :

mercredi 7 mai 2008

Abbey Roach

Avant de parler plus longuement d'Abbey Lincoln, voici un avant-goût de ce qui rend cette chanteuse si atypique et unique dans le jazz. C'est dans les années 60, avec son mari Max Roach, c'est dans une cage, ce sont des cris et des gémissements : c'est le triptyque de la "Freedom Now Suite", pierre angulaire du jazz protestataire et chef d'oeuvre intemporel.

dimanche 4 mai 2008

Concours de finesse

Que font trois poètes de leur instrument quand ils se rencontrent ? Ils s'associent et nous font rêver et décoller ! Voici Bobby Hutcherson, Herbie Hancock et Ron Carter dans une petite merveille qui s'intitule "Bouquet". Une musique qui, soit vous endort, soit vous fascine. Vous aurez peut-être besoin de hausser le son, le niveau d'enregistrement étant assez bas.

samedi 3 mai 2008

Bonnes vibrations

Moi qui n'ai jamais vraiment aimé le vibraphone, je suis tombé amoureux de Bobby Hutcherson. Mais ça n'a pas été un coup de foudre, je l'ai découvert petit à petit, et je crois que je n'ai pas fini...
Première rencontre : "Out to lunch" d'Eric Dolphy, c'est lui qui donne cette ambiance hors du temps à cet album d'une grande finesse. Deuxième choc : "Time for Tyner" de McCoy Tyner, album sur lequel on trouve le fantastique "African Village" ; l'entente entre Bobby et McCoy est parfaite et l'enrichissement est mutuel, et je me surprends à apprécier un album avec du vibraphone. De là à écouter un album d'un vibraphoniste, il y a un pas que j'ai mis longtemps à franchir. Pour l'instant, je connais 7 albums de Bobby Hutcherson, s'échelonnant de 1965 à 1981 et j'ai l'impression qu'il n'y a pas grand chose à jeter dans sa discographie. De plus, si j'en crois les vidéos qu'on trouve de lui sur internet, il est toujours aussi passionnant et impressionnant. J'y reviendrais donc... En attendant, écoutons-nous ce superbe morceau trippant : "Searchin' the Trane", en hommage à... devinez qui ! Sur ce morceau, tiré de l'album quasi introuvable "Inner glow" de 1975, Bobby joue, en plus du vibraphone, du marimba, un instrument dont j'adore le son.

Encore un lien disparu ! Voici "Inner Glow", en remplacement :